De quoi peut-on rire en Algérie aujourd’hui ?


par France CAPON

Article paru dans Ridiculosa n° 7 (2000) Das Lachen der Völker/Le rire des nations. Actes du colloque de Munich 2-4 mars 2000.




De quoi peut-on rire en Algérie aujourd’hui ?

France CAPON
 

Pour répondre à cette question, il faut envisager la situation politique actuelle mais aussi remonter dans le passé politique et culturel du pays. Le rire peut être exprimé de différentes façons, par la caricature, les textes satiriques, les blagues… C’est la caricature qui a particulièrement attiré mon attention, et plus précisément la caricature algérienne publiée en Algérie. C’est là que mes recherches se sont compliquées. Dans un pays de tradition orale où la censure règne en maître même si elle prend des apparences parfois très différentes, il n’est pas facile d’étudier ce type d’expression. Au fil de mes recherches, je me suis rendu compte que les caricaturistes algériens existaient, bien évidemment, mais que peu avaient réussi à faire carrière en Algérie ces dernières années, à moins de faire partie du réseau officiel. Beaucoup ont été contraints à l’exil en Belgique mais surtout en France. Certains ont payé de leur vie cette envie de s’exprimer librement sur tous les points brûlants de l’actualité. D’autres résistent encore et toujours, vivant dans un climat de peur perpétuelle. Pour mieux comprendre cette situation, il est nécessaire de revenir brièvement sur la situation politique depuis l’Indépendance [1], ainsi que sur l’histoire de la presse.

La situation de la presse et des caricaturistes

Pour comprendre la place de l’humour et de la caricature en Algérie, il me semble important de connaître la situation de la presse puisqu’elle en est le vecteur principal.

Depuis l’Indépendance, la liberté de la presse et l’humour politique existent massivement mais à condition que les deux servent le pouvoir en place. Peut-on encore parler de liberté de la presse ?

La période m’intéressant particulièrement commence en 1988 avec la révolte populaire d’octobre. Le clan présidentiel prend l’avantage sur les membres du FLN. En février 1989, une Constitution révisée ouvre le champ à l’activité partisane et consacre le droit à l’information. Un processus démocratique se met en place et la presse acquiert de plus en plus de liberté. Elément fondamental dans cette acquisition : un décret autorise les fonctionnaires de la presse gouvernementale à créer leurs propres journaux. La presse privée vient de naître. Ce décret, « Le Code de l’information », délimite la liberté de la presse et proclame les droits des journalistes. C’est la période dorée pour la presse algérienne et tout ce qui dépend d’elle. Mais elle sera de courte durée. Elle est brusquement arrêtée lors de l’interruption du processus électoral en janvier 1992.

Depuis l’Indépendance, la presse se divise en deux parties : presse arabophone et presse francophone. Les deux coexistent toujours aujourd’hui. C’est la presse arabophone qui subit la première les effets de la reprise en main. On assiste à l’interdiction des journaux du FIS mais aussi de tous les journaux comportant des lignes éditoriales islamisantes. La presse francophone ayant soutenu l’interruption du processus électoral est moins touchée par ces premières mesures. Sa position correspond autant à des intérêts économiques qu’à des convictions propres. La première grande mesure de censure concerne « l’information sécuritaire ». Il est interdit de faire état des opérations des groupes armés si celles-ci n’ont pas été officiellement annoncées. Une soixantaine de mesures de saisie, de suspension ou d’interdiction sont prises à l’encontre de la presse. Une des plus importantes est la création de « Comités de censure » qui sévissent pendant plus ou moins deux ans (début 1996 –fin 1997) dans les différentes imprimeries et contrôlent systématiquement le contenu de tous les journaux.

En plus de ces dispositions législatives, l’Etat possède le monopole dans trois secteurs vitaux pour la presse : l’imprimerie, le papier et la publicité. Effectivement les quatre imprimeries algériennes sont propriétés de l’Etat. Quant au papier, son importation est gérée par la Société d’Impression d’Alger. Avec l’augmentation du prix du papier et le peu de réserve effectuée par l’Etat, plusieurs journaux se sont vus contraints de diminuer leur tirage et d’augmenter le prix de vente. La presse est un luxe que beaucoup d’Algériens ne peuvent plus s’offrir. Si on considère que seulement 40% de la population est concernée par ce mode d’information vu le taux élevé d’analphabétisme, l’augmentation du prix ne fait que renforcer la marginalisation de la lecture de la presse. Quant à la publicité, elle est également contrôlée par une agence étatique, l’Agence Nationale d’Edition et de Publicité (ANPE). Beaucoup de journaux ne peuvent survivre sans cet appui financier. Aujourd’hui, ce dernier problème semble se résoudre puisque des sociétés étrangères indépendantes de l’Etat algérien négocient directement avec la presse privée. Ainsi certains journaux peuvent survivre, comme le quotidien el-Watan. Ce dernier se permet une certaine liberté vis-à-vis du régime vu son indépendance financière mais au prix de nombreuses suspensions et condamnations de ses journalistes et caricaturistes.

En plus de toutes ces mesures étatiques, la violence à l’encontre des journalistes, des caricaturistes et autres personnes collaborant de près ou de loin à l’information, a bâillonné une certaine presse. Entre 1993 et 1996, cinquante-sept journalistes et caricaturistes ont été assassinés, plusieurs ont disparu, d’autres ont été emprisonnés ou se sont vus menacés par divers communiqués réalisés par les groupes islamistes armés. Beaucoup ont fui l’Algérie pour se réfugier en France ou en Belgique. D’autres, la peur au ventre ont décidé de rester dans leur pays mais à quel prix ? Obligés de vivre comme des fugitifs, changeant régulièrement d’adresse, usant de déguisements, certains ont basculé dans la dépression et se sont réfugiés dans l’alcool, la drogue ou les médicaments.

Comment se place la caricature par rapport à toutes ces mesures ?
Dans un pays où l’illettrisme fait légion, le pouvoir de l’image est énorme.
La caricature subit donc le même régime que la presse et se voit censurée à tour de bras. Une caricature clandestine circulant sous le manteau doit probablement exister comme dans tous les pays et à toutes les époques où la censure a été forte mais il est difficile d’en prendre connaissance et encore plus d’en mesurer l’impact.

Un espoir : les médias électroniques illustration « La grande Kechfa »). Pour le moment l’accès à Internet est sous le contrôle du CERIST (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Information Scientifique et Technique), un organe officiel. Le prix exorbitant pour le branchement constitue une sérieuse entrave mais certains journaux comme el Watan et Liberté possèdent des sites sur le web. En plus certains sites ont vu le jour en devenant les hôtes de gros sites européens distribués par des serveurs internationaux. L’ouverture et la liberté commenceront peut-être par là.

De quoi peut-on rire et comment ? [2]

La question pourrait être, vu la situation politique et sociale du pays, a-t-on encore envie de rire dans un environnement pareil ? Mais reprenons les choses depuis le commencement. Après la Guerre d’Algérie qui avait mis l’humour en péril, celui-ci réapparaît avec l’Indépendance. Il refait surface comme un enjeu politique. Le pouvoir comprend rapidement qu’il peut devenir un espace d’affrontement et un moyen d’opposition. Il décide alors en quelque sorte de l’officialiser. L’humour va être utilisé contre les adversaires du pouvoir. Les moyens étatiques, comme la télévision, les journaux, les livres, le cinéma…, sont mis à sa disposition. Les dessins de presse à cette époque, se moquent des colonisateurs vaincus, des croyances anciennes ou encore des allégeances que celles-ci supposent. Entre 1962 et 1988, l’humour est féroce mais c’est un humour de service et au service du régime. Malgré certains essais pour affirmer son autonomie, il n’y arrivera jamais vu la censure omniprésente, même si officiellement elle n’existe pas. Dans le domaine du théâtre, par exemple, Kateb Yacine se bat contre l’islamisme naissant grâce à différentes pièces satiriques. Il ne manque pas d’humour non plus dans certaines interviews : « Que représente pour vous le minaret d’une mosquée ? », demanda-t-on à Yacine : « Une fusée qui ne décollera jamais », répondit-il [3]. En ce qui concerne la caricature, les dessins de presse ou la bande dessinée, le constat est identique puisqu’ils se voient contraints à rester à l’écart de la politique. L’Etat bâillonne toute tentative venant de jeunes talents. Sauf quand il sait qu’il peut diriger et dominer. C’est comme ça qu’une exposition internationale annuelle du dessin caricatural est organisée dès le début des années quatre-vingts. On voit alors les dessinateurs se tourner vers une satire plus sociale que politique. Slim est un de ces jeunes talents bridés par le pouvoir. Il se tourne vers des thèmes sociaux comme la bureaucratie, les corrompus qui se servent de la bienveillance de l’Etat pour le voler… Mais derrière ces dénonciations correspondant à celles de l’Etat, il envoie des messages codés. Cependant, la censure veille et il doit retourner vers des voleurs masqués, des responsables anonymes identifiés à des entités idéologiques abstraites, s’il ne veut pas être interdit de parution. La presse privée n’existant pas encore, les journaux officiels sont les seuls moyens de diffusion. Pour faire passer son message, Slim crée le personnage de Bouzid, l’Algérien moyen qui râle sur tout, que l’on pourrait comparer au Dupont, Français moyen. Pour Slim, l’humour n’est pas un humour bon enfant, il doit « être dramatique, il faut secouer les lecteurs de l’intérieur » [4].

Entre 1962 et 1988, le pouvoir contrecarre sans cesse l’émergence d’un humour libre en alternant interdiction pure et simple et récupération des humoristes à son service (ill. 1). Dans cette caricature, on peut voir une dénonciation de l’emprise du pouvoir sur la presse puisque quel que soit le journal réel ou imaginaire représenté, « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Après la Révolution d’Octobre 1988, un vent de liberté souffle sur l’Algérie mais il est de courte durée. Pendant cette période, de nombreux caricaturistes peuvent enfin s’exprimer grâce à la presse privée. Le dessin de presse devient une des meilleures armes politiques surtout dans un pays où l’image prime sur l’écriture et où une grande partie de la population ne peut lire le journal. C’est l’époque de la naissance de deux grands journaux satiriques : al-Manchar, bimensuel francophone et al-Sakhâfa, hebdomadaire arabophone.

Al-Manchar, créé autour d’anciens caricaturistes de la presse officielle comme Slim, Melouah ou Maz, alterne caricatures et textes satiriques sur des sujets souvent politiques comme la censure, le FLN, les syndicats, l’intégrisme… (ill. 2). On peut voir dans cette caricature comment l’intégrisme peut arriver au pouvoir se cachant derrière un candidat à l’apparence démocratique. La légende sous-entend que bientôt les intégristes n’auront plus besoin de cette façade. Elle fait également référence à une publicité française des années 80 qui nous montrait une jeune fille en bikini qui nous annonçait « demain, j’enlève le haut ». Cette référence française n’est pas étonnante puisque les Algériens sont restés très proches en un certain sens de leur colonisateur, à la fois grâce aux médias (journaux et télévision grâce aux antennes paraboliques) mais aussi grâce aux nombreux immigrés vivant en France. Peu de place est réservée aux thèmes purement sociaux ou de mœurs. Si ces thèmes sont abordés, ils cachent toujours une dénonciation politique. L’humour est un humour d’auto-dérision allant jusqu’à l’auto-dévalorisation. D’après certaines rubriques, comme « Le mur du çon », on peut dire que ce journal est un savant mélange entre Le Canard enchaîné et Charlie Hebdo, héritant de ce dernier la prédominance du dessin sur le texte.

 

Al-Sakhâfa tire son nom d’un jeu de mots qui signifie à la fois « journalisme » et « la vérité est un fléau ». Il privilégie plutôt le texte qui s’appuie sur un dessin ou une image, il est donc plus proche du Canard enchaîné que de Charlie Hebdo. Plutôt qu’un simple traitement de l’information, il cherche sans cesse le scoop, dépêchant des journalistes et leur commandant des investigations. Dès mars 1992, il consacre un supplément aux lettres des détenus du FIS, dans lesquelles la langue arabe est tellement malmenée que cela en devient comique. Cette attitude lui vaut dès l’été 1992, une interdiction de paraître comme pour les autres journaux du FIS ou ayant une quelconque affinité avec lui. Quant à al-Manchar, il subit le même sort un peu plus tard mais peut paraître à nouveau dans le courant de l’année 1993.

L’humour est aussi rapidement utilisé par les différents partis politiques, comme le FIS (arabophone et francophone) qui s’en sert pour se moquer du pouvoir en place et des Algériens occidentalisés.

En dehors des journaux spécialisés et des campagnes politiques, la caricature se fait une place non négligeable dans la presse privée, comme dans les colonnes du Matin et d’al Watan. Un nom se détache dans les révélations des années 90 : Dilem. Il publie ses caricatures dans les pages du Matin où il commente l’actualité avec verve. Son succès vient aussi du fait qu’il ne cesse de se référer aux blagues populaires et aux jeux de mots. Par rapport à Slim, son humour est là plus pour détendre que pour dénoncer. C’est l’opposition du rire dramatique au rire optimiste.

L’humour se retrouve rapidement bâillonné par l’intégrisme religieux ou non. Dès la proclamation de l’état d’urgence les caricaturistes doivent baisser les crayons. Vu les conditions législatives que j’ai évoquées plus haut et les conditions d’insécurité régnant en Algérie, la violence devient l’antidote de l’humour. Même si des caricatures continuent à paraître dans la presse privée ou dans le journal satirique al Manchar, c’est la peur au ventre que les caricaturistes vivent à Alger. Dilem et Slim se voient contraints d’émigrer en France, en 1995 pour protéger leur vie. Saïd Mekbel, transfuge d’al Manchar et créateur d’un autre journal satirique al Baroud n’en a pas eu le temps et est assassiné en décembre 1994. Ceux qui restent ne signent plus leurs dessins ou seulement par des initiales sous peine de suspension ou d’être mis en danger. L’humour devient impitoyable, on le voit par exemple dans l’éditorial d’al Watan. Un de ses chroniqueurs Y.B. n’hésite pas à s’attaquer aux plus hauts dignitaires de l’Etat algérien et au régime politique en place :

« Une déclaration du Ministre de la Communication qui affirmait que « le modèle de démocratie mis en place en Algérie dérange (les Occidentaux) » et que « la police algérienne et le peuple algérien n’ont de leçon à recevoir de personne », avait fait réagir la plume d’Y.B., plume trempée dans le vitriol : « Ce modèle de démocratie en effet nous dérange. (…) L’Algérie semble être la nouvelle patrie des droits de l’homme. Seule réserve : nous n’avons toujours pas le nom de l’homme en question » [5] » [6].

Cela vaudra au journal une suspension ainsi qu’une amende à verser à l’Etat. Le journal privé La Tribune a subi le même sort pendant sept mois. La suspension est prononcée le 3 septembre 1997 à cause d’un dessin du caricaturiste Chawki Amari. Publié à l’occasion de la fête nationale, il représente le drapeau algérien dans une rue où se rencontrent deux hommes. « C’est pour le 5 juillet ? » demande le premier. « Non, ils étendent le linge sale » rétorque le second. Accusé d’avoir porté offense à l’emblème national, le caricaturiste purge une peine de 28 jours d’emprisonnement, tandis que le directeur du journal et la directrice de rédaction sont condamnés respective­ment à un an de prison et à six mois avec sursis.

Aujourd’hui, on trouve toujours dans al-Watan et Le Matin, des carica­tures ; elles raillent le pouvoir en place mais toujours par les mêmes procédés détournés. Seule la politique étrangère peut être traitée vraiment librement. On le voit dans différents exemples concernant la politique marocaine, française ou américaine.

Conclusion

Malgré une situation difficile, l’Algérie rit ou plutôt ricane, elle rit jaune, elle rit noir. L’humour reste un des meilleurs moyens de défense et de survie pour la plupart des Algériens. Ceux qui ont dû émigrer, n’en oublient sûrement pas leur pays. Ils continuent à se battre pour lui grâce aux armes que l’humour leur prête. La place importante qu’occupent des journaux algériens paraissant à l’étranger en est la preuve. Les caricaturistes continuent à exercer leur verve contre les dysfonctionnements du pouvoir algérien dans des journaux occidentaux, comme L’Humanité où sévit Slim, Le NY Times auquel a participé Rachid Kaci vivant à Paris depuis 1970…

Les caractéristiques de l’humour algérien sont l’auto-dérision, se moquer du petit pour atteindre le grand ; la critique d’idéologies pour cibler un représentant du pouvoir ; la décontextualisation, les critiques émises sont reportées sur un autre pays ou à d’autres époques. Ces procédés utilisés sont donc proches des procédés européens. Le type d’humour noir et grinçant se retrouve également dans la culture humoristique européenne en des temps comparables à ceux que vit l’Algérie aujourd’hui. Les thèmes abordés par un peuple opprimé restent sensiblement les mêmes d’une époque à l’autre ou d’un pays à l’autre. On retrouve la critique des dirigeants, de la politique exercée par eux pendant les périodes de relative liberté. Tandis qu’en période de censure, ces critiques apparaissent toujours mais de manière détournée et la caricature sociale ou des mœurs prend la place de la caricature politique.

Belgique (Saint-Nicolas)
 
 

Annexe [7]

5 juillet 1962 Indépendance de l’Algérie, Ahmed Ben Bella devient Président de la République algérienne démocratique et populaire.

Juin 1965 Boumediene prend le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat.

Décembre 1978 Mort de Boumediene.

Le colonel Chadli Bendjedid est désigné comme candidat unique.

Janvier 1984 Réélection de Bendjedid.

Octobre 1988 Emeutes populaires réprimées dans le sang.

Décembre 1988Réélection de Bendjedid.

Février 1989 Adoption d’une nouvelle Constitution et ouverture au multipartisme.

Février 1989 La nouvelle Constitution consacre le droit à l’information. Naissance de la presse privée.

1990 Apparition de journaux satiriques : al Manchar et al Sakhâfa.

Décembre 1991Putsch militaire provoqué par les résultats obtenu par le FIS lors des législatives.

Janvier 1992 Destitution de Bendjedid. Muhammad Boudiaf est placé à la tête du Haut Comité d’Etat.

Janvier 1992 Restriction de la liberté de la presse.

Février 1992 Interruption du processus de démocratisation provoquant d’impor­tants troubles dans tout le pays. L’état d’urgence est décrété.

1993 Les premiers journalistes sont assassinés.

Suppression de al Sakhâfa et suspension d’al Manchar pour quelques mois.

Janvier 1994 Liamine Zeroual est nommé Président de l’Etat.

1995 Emigration de nombreux journalistes et caricaturistes comme Dilem et Slim.

Novembre 1995 Zeroual est élu Président de la République au suffrage universel.

1996 Fin des assassinats de journalistes.

Janvier 1996 Instauration de « Comités de censure » dans les imprimeries.

Novembre 1996 Adoption d’une nouvelle Constitution étendant les pouvoirs du chef de l’Etat.

Juin 1997 Entrée massive de l’opposition au Parlement lors des premières législatives pluralistes depuis 1992.

Décembre 1997 Suppression des « Comités de censure ».

1998 Regain de tension en Kabylie suite au décès de Lounes Matoub.

Zeroual démissionne ce qui provoque des élections anticipées.

Avril 1999 Abdelaziz Bouteflika est élu président de la République.

Septembre 1999 Plébiscite sur le processus de « réconciliation nationale ».

 
Résumé / Abstract :
 

In Algerien ist die Presse 1830 erschienen, als Frankreich in das Land einfiel. Es herrschte in der arabischen Welt nie eine völlige Meinungsfreiheit. Der Humor entwickelte sich dort auf eine ganz besondere Art. Es geht eher um Selbsthohn, sogar um Selbstentwertung. Die Kolonialmacht sowie auch die einheimische Macht (der Scheich) sind lang erspart geblieben.

In den vierziger und fünziger Jahren bleibt der politische Humor der Tradition entsprechend versteckt. Als das Land sich verändert, wird es Karikatur grober und durch einen heftigen Strich gekennzeichnet. Mit dem Krieg verschwindet vorlaüfig die Karikatur und der Humor im Allgemeinen.

Zwischen 1962 und 1988 wird die Karikatur im Anschluss an die Unabhängigkeit wieder als eine wichtige Ausdrucksform betrachtet. Sie wird sozusagen von der Macht anerkannt und überwacht. Die Karikatur steht im Dienst einer exklusiven Ideologie.

Die Oktoberrevolution von 1988 ermöglicht eine zeitlich begrenzte Meinungsfreiheit. Damals wird die Pressezeichnung die bevorzugte Ausdrucksart des politischen Humors. Zu jener Zeit erscheinen satirische Zeitungen wie El-Manchar, die damals sehr erfolgreich sind . Die Karikatur wird aber durch den Fundamentalismus sehr schnell zum Schweigen gebracht. Die Zensur ist allgegenwärtig, obwohl sie auf keiner offiziellen Basis beruht. Mehrere Karikaturisten wie Youssef oder Dilem müssen dann Algerien verlassen, um in Frankreich Zuflucht zu finden. Andere bleiben lieber in Algerien unter Einsatz des eigenen Lebens. Saïd Mekbel wurde zum Beispiel Anfang Dezember 1994 ermordet. Unter diesen Umständen ist die « Exilpresse » eine bedeutende Institution, die den im Exil Lebenden erlaubt, sich frei auszudrücken.

Seitem Bouteflika an die Macht gekommen ist, kann Algerien wieder Hoffnung schöpfen. Hoffentlich wird der Humor endlich frei wieder aufblühen können.

 
 

The press arrived in Algeria in 1830 when the country was invaded by France. Freedom of expression has never been total in the Arab world. Humour has evolved in a peculiar way. It is a humour of self-derision, even of self-devaluation. For a long time this did not effect those in power, whether it was the colonial power or the indigenous power of the sheik.

In the 40s and 50s political humour remained under the cover of continuing tradition. In this period of change, the caricature became coarse and drawing exaggerated. The war would for a time neutralize caricatures and humour in general.

Between 1962 and 1968, independence would give back to caricature a position of importance. This would, in a sense, be given official status by those in power. They would in any case control it. Caricature would be at the service of a single ideology.

The revolution of 1988 would engender greater freedom of expression, but this was short-lived. At that time newspaper cartoons became the principle vehicle of political humour. Satirical periodicals like El-Manchar, which had enormous success, appeared. However, fundamentalism soon gagged the caricature. Censorship was everywhere, even if it had no official existence. Several caricaturists, like Youssef and Dilem were forced to flee Algeria and to seek refuge in France. Others chose to stay in the country, sometimes paying with their lives, like Saïd Mekbel, murdered at the beginning of December 1994. It was in these conditions that the « press in exile » became a genuine institution, giving exiles freedom of expression.

Today, with the arrival in power of Bouteflika, there is hope in Algeria. Perhaps humour will at last blossom freely.

 

En Algérie, la presse est apparue en 1830 quand le pays a été envahi par la France. La liberté d’expression n’a jamais été totale dans le monde arabe. L’humour se développe de façon particulière. C’est un humour d’auto-dérision, voire d’auto-dévalorisation. Le pouvoir a longtemps été épargné que ce soit celui du colonisateur ou le pouvoir indigène (le cheikh).

Dans les années quarante et cinquante, l’humour politique reste déguisé dans le prolongement de la tradition. En cette période de changements, la caricature devient grossière et le trait exacerbé. La guerre va neutraliser pour un temps la caricature et l’humour en général.

Entre 1962 et 1988, l’indépendance va rendre à la caricature une place importante. Le pouvoir va en quelque sorte l’officialiser. Il va en tout cas la contrôler. La caricature sera au service d’une idéologie exclusive.

La révolution d’Octobre 1988 va insuffler une plus grande liberté d’expression mais pour peu de temps. A cette époque le dessin de presse devient le mode privilégié de l’humour politique. On voit apparaître des journaux satiriques comme El-Manchar, qui connaissent alors un énorme succès. Cependant, l’intégrisme bâillonne rapidement la caricature. La censure est omniprésente même si elle ne connaît aucune existence officielle. Plusieurs caricaturistes comme Youssef ou Dilem se voient contraints de quitter l’Algérie pour se réfugier en France. D’autres choisissent de rester au pays, parfois au prix de leur vie comme Saïd Mekbel, assassiné début décembre 1994. C’est dans ces conditions que la « presse d’exil » est devenue une véritable institution permettant aux exilés de s ‘exprimer librement.

Aujourd’hui, avec l’arrivée au pouvoir de Bouteflika, l’Algérie espère. L’humour va peut-être enfin pouvoir refleurir librement.

 
 


[1] Voir tableau en annexe.

[2] La trame principale de ce chapitre a été réalisée grâce à l’article d’Aïssa Khelladi, « Rire quand même : l’humour politique dans l’Algérie d’aujourd’hui », in Revue du monde musulman et de la Méditerranée, s.l., 1996, n° 77-78, pp. 225-237.

[3] Idem, p. 228.

[4] « Vivre en Algérie c’est comme le Titanic », propos recueillis par Raymond Couraud, in http://www.alsapresse.com/djd/99/03/18/dossier/itw.html

[5] Chronique, Y.B., in al Watan, 23/11/97, p. 24.
[6] ICG Algeria Report, 31/03/98, p. 7.

[7] Dates politiques en italique. Dates en rapport avec la presse soulignées.