Dessin de presse, patrimoine vivant d’hier et d’aujourd’hui


A l’occasion de l’après-midi d’étude organisée par la BNF le mercredi 8 décembre 2009 sur le thème « Dessin de presse, patrimoine vivant d’hier et d’aujourd’hui », nous avons questionné Martine Mauvieux, responsable du dessin de presse au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France .

La BNF organise une après midi d’étude le 9 décembre 2009 et prévoit différentes manifestations dans les mois à venir autour du dessin de presse. Pourquoi ce regain d’intérêt ?
Martine Mauvieux : Le département des ESTampes a toujours manifesté un intérêt pour le dessin de presse sans jamais le considérer comme un genre distinct des collections d’artistes. Pour exemple les oeuvres de Forain, Steinlen ou Sennep sont sous la cote Dc qui regroupe selon le guide du Cabinet des Estampes par Bouchot (1895) les Peintres français du XIXe siècle, la cote Ef regroupant les graveurs. Avec le temps la cote Dc a accueilli les artistes du XXe s peintres et dessinateurs. Il y a une autre cote qui accueille les oeuvres de dessinateur de presse : c’est la cote Tf (selon Bouchot : Rébus, calembours, jeux d’esprit, charges) puis la cote Tz. Tout cela pour vous dire que le dessin de presse a été réparti dans les collections au gré de l’évolution du département et non pas selon une logique de collection spécifique.
Michel Melot au milieu des années 1970 a été chargé de réaliser une exposition sur le dessin d’humour et à cette occasion a rencontré des dessinateurs contemporains qui lui ont donné des dessins tous réunis sous une autre cote Ka (selon Bouchot : Education générale, livres, jeux, thèses). Appelé par d’autres activités, Michel Melot a abandonné cette collecte au bout de deux ans non sans avoir fait rentrer dans les collections au début des années 80 l’important fonds Effel. Le rapport Wolinski, commandité par le ministère de la Culture et paru en 2007, a retenu l’attention de la direction de la BnF qui a jugé qu’il était de sa mission de valoriser ces collections et de centraliser les intérêts et les activités autour de ce support.

Ceux qui se passionnent pour l’image satirique connaissent les difficultés à trouver le vocabulaire le plus juste pour définir un objet protéiforme et qui a beaucoup évolué dans le temps. Qu’entendez-vous aujourd’hui par dessin de presse ?
Martine Mauvieux : Le dessin de presse est par excellence publié dans la presse papier et maintenant sur le web. Il s’oppose au dessin d’illustration, au dessin préparatoire pour une oeuvre peinte, gravée, sculptée, architecturée. Cependant les dessins de dessinateurs de presse non publiés relèvent malgré tout de ce genre. Par exemple dans la collection des dessins de Tim qui est rentrée aux EST en 2006, il y a de nombreux dessins préparatoire de l’artiste, des ébauches, des études qu’il a pu reprendre ensuite pour des dessins plus élaborés et publiés. Ces dessins sont intéressants pour l’étude de la genèse de l’oeuvre de l’artiste. Ce terme dessin de presse englobe les dessins originaux, les estampes (Daumier), les dessins publiés dans les journaux. De ce fait le dessin d’humour selon cette définition reste marginal. J’ai bien vu dans les festivals de presse qu’il y a des artites qui ne font que des dessins d’humour ou des portraits-charges sans publication dans la presse. A mon sens il serait dommage de les ignorer car ils sont aussi le témoignage d’une activité artistique de notre époque. C’est tout à fait la mission de la Bibliothèque de les accueillir.

L’après-midi d’étude s’intitule « Le dessin de presse, patrimoine vivant d’hier et d’aujourd’hui ». La BNF possède d’importantes collections de ces dessins ? Sous quelles formes ?
Martine Mauvieux : La BnF possède des collections de dessins originaux, d’estampes, de coupures de presse, de journaux contenant des dessins. La difficulté de travailler sur ces fonds c’est la dispersion sous des cotes différentes et dans des grandes collections comme celles des portraits ou celle de l’histoire.

Comment la BNF a-t-elle acquis ce patrimoine, comment les dessins sont-ils répertoriés, conservés, étudiés, valorisés ?
Martine Mauvieux : Quelques exemples d’entrées : les lithographies de Daumier sont arrivés par dépôt légal, les dessins de Forain ont été acquis, les dessins de Effel sont rentrés par don puis par dation, ceux de Tim, Testu par don, ceux d’André Hofer par acquisition en 2008. Les dessins rentrés jusque dans les années 70 ont été montés en albums mais on en trouve aussi en boîtes. Les grosses collections sont conservées en boîtes. Tous les dessins sont estampillés et compostés s’ils arrivent par don ou acquisition. Ils sont cotés et identifiables par les chercheurs dans le catalogue général sauf pour les collections rentrées récemment car ce traitement demande du temps et du personnel. Ces documents sont communiqués aux lecteurs dès l’instant où ils sont cotés. La meilleure valorisation c’est l’exposition. Daumier a été exposé en 2008, Tim le sera en 2010 grâce au recrutement d’une chercheuse associée spécialisée dans ce domaine. Des emprunteurs extérieurs peuvent également réaliser des expositions à partir de ces fonds.

Parmi les différents projets autour du dessin de presse dont vous êtes à l’initiative, il semble que vous envisagiez à plus ou moins long terme la création d’un portail spécifiquement destiné au dessin de presse. Pouvez-vous nous dire en quelques mots quels seraient ses objectifs et le public visé ?
Martine Mauvieux : Le portail dessin de presse aura l’avantage de fédérer les collections de dessins présentes dans différents établissements avec un signalement des dessinateurs, de créer des liens vers tous les sites qui sont dédiés à ce genre, ainsi que vers les festivals, associations, entreprises qui s’y consacrent. Il devra signaler également les manifestaions de la BnF spécifiques à ce sujet, les nouvelles entrées dans les collections. Le public visé est difficile à définir. En premier lieu des chercheurs, des étudiants (journalisme, histoire, art), des collectionneurs mais aussi des dessinateurs et des journalistes. L’élargissement du public dépend ensuite de l’intérêt qu’on aura su susciter par le biais des manifestations.

Après le 9 décembre, quelle sera la prochaine initiative ?
Martine Mauvieux : Exposition Tim 16 mars-18 avril 2010, Exposition dessin de presse/histoire 23 mars-25 avril, Biennale dessin de presse : 27 mars.

Interview réalisée par Guillaume Doizy en décembre 2009.