Chaval humour libre


Chaval humour libre, catalogue d’exposition, Le Festin, Musée des beaux-arts de Bordeaux, 144 p., 22 €.
Reprise de l’exposition par le musée d’Angoulême du 28 octobre 2008 au 30 janvier 2009
Une exposition et a fortiori son catalogue sont souvent l’occasion de faire redécouvrir un artiste oublié ou par trop resté méconnu. C’est le cas du dessinateur Chaval, dont le destin tragique (un suicide à l’age de 53 ans) et une vie quelque peu misanthropique n’auront pas facilité la diffusion de l’œuvre. Et pourtant, un univers étonnant se cache derrière cet être discret et sombre. Un univers où l’absurde et le rire s’entrechoquent et nous obligent à nous questionner sur la vie.

En prévision de deux expositions qui se tiendront du 6 juin au 21 septembre 2008 au musée des beaux-arts de Bordeaux et du 28 octobre 2008 au 30 janvier 2009 au musée des beaux-arts d’Angoulême, ce catalogue publié en partenariat avec les éditions Le Festin présente la collection des œuvres de Chaval que possède le musée des beaux-arts de Bordeaux. Il s’agit, avec 257 dessins originaux, du plus grand ensemble de ce dessinateur conservé dans une collection publique, d’où l’intérêt évident.

Richement illustré (120 dessins environs), le catalogue se structure en deux parties. La première donne la parole à divers auteurs. Nous retiendrons particulièrement deux études : celle de Thierry Saunier (p. 25-52) qui s’intéresse de manière détaillée à la vie de Chaval, son parcours personnel et créatif, pour ensuite présenter une analyse de son œuvre ; enfin le travail diligenté par Marie-Chistine Hervé et qui s’intitule « Itinéraire d’une collection » (p. 53-72). L’ensemble des dessins conservés par le musée de Bordeaux fait l’objet d’une typologie minutieuse principalement autour des dessins de presse produits par Chaval. En fin de catalogue, on trouvera la liste des œuvres de Chaval conservées par le musée ainsi qu’une bibliographie.

Dans cet ouvrage très richement illustré, le lecteur se passionnera pour une œuvre riche de contrastes, mêlant la sévérité au rire. Les auteurs constatent combien le style graphique de Chaval s’est établi une fois pour toute, après que l’artiste ait vainement cherché à développer ses talents en matière de gravure. Comme chez beaucoup, le dessin d’humour s’installe « par défaut » dans la vie créative de Chaval qui découvre après la seconde guerre mondiale, à travers le succès de son travail dans la presse et la réclame, sa capacité à amuser et faire rire. L’absurde forme le nœud de cette œuvre « silencieuse ». Chaval ne recourt pas aux procédés traditionnels de la caricature. Pas de déformation, nulle trace de trivialité, mais des situations improbables qui se déroulent pourtant sous nos yeux presque sans artifice. Si Chaval affectionne jeux de mots et contrepèteries dans ses titres-légendes (ainsi que les expressions toutes faites qu’il « traduit » au sens propre), nombre de ses dessins fonctionnent sans que le texte interfère avec l’image, plongeant le spectateur dans une sorte d’embarras iconique aux frontières du rire et de la stupeur.
L’artiste s’est également passionné pour le cinéma en produisant une trentaine de film. Des passerelles existent entre son œuvre cinématographique et graphique avec notamment la série des oiseaux, bêtes devenues absurdes qui singent malgré elles les destinées humaines.

Un beau catalogue pour découvrir ou redécouvrir un Chaval caustique et grinçant dont l’humour semble comme suspendu hors du temps. Dans des dessins aux décors d’une rare sobriété, le blanc de la feuille fonctionne comme un théâtre figé dans lequel il est bien difficile de savoir quel élément plus qu’un autre a provoqué notre froide jubilation comique.

Diffusé en librairie ou par l’éditeur http://www.lefestin.net/