Ouvrage sur La Première Guerre mondiale


Misères de l’héroïsme.
La Première Guerre mondiale dans la conscience intellectuelle, littéraire et artistique des cultures européennes
Date limite: 30 septembre 2011
Voici un appel à contribution qui peut intéresser les amateurs d’image satirique

Date limite : 30 septembre 2011

 

 

Misères de l’héroïsme.

La Première Guerre mondiale dans la conscience intellectuelle, littéraire et artistique des cultures européennes

Face à l’approche des célébrations du centenaire du début de la Première Guerre mondiale, il nous semble utile de rassembler avant cette année commémorative une synthèse transnationale des recherches sur la place exacte dans la conscience intellectuelle, littéraire et artistique européenne d’un évènement qui à juste titre a été qualifié de première rupture radicale des civilisations modernes et seuil vers une nouvelle culture et mentalité.

Sans négliger nécessairement les auteurs canonisés, nous voudrions privilégier dans notre volume collectif des oeuvres et des aspects jusqu’à aujourd’hui moins connus de cette guerre ; en outre, nous souhaiterions que les méthodes les plus récentes de la critique littéraire et des études culturelles puissent être appliquées dans les contributions à ce livre.

Au centre de nos intérêts de recherche se trouve la comparaison entre les discours de guerre en France et en Allemagne ; mais nous voudrions également prendre en considération la situation en Italie et en Espagne, pour conférer ainsi une perspective européenne à notre analyse. (La neutralité officielle de la Péninsule Ibérique n’a pas empêché que les intellectuels espagnols prennent position dans ce conflit.) Avec l’aide de spécialistes de la littérature anglaise, nous pourrions même inclure des articles sur l’impact culturel de cette guerre au Royaume-Uni.

Le cadre chronologique des sujets à traiter doit être envisagé selon nous d’une manière assez ample, en tenant compte aussi de témoignages intellectuels, littéraires et artistiques conçus avant ou après les actions militaires. On peut rencontrer des manifestations soit de patriotisme belliciste soit de pacifisme dans toutes les nations concernées bien avant 1914, et les meilleures représentations littéraires et artistiques de cette guerre ont souvent vu le jour des années après 1918, la distance aidant à soigner les traumatismes et permettant de les sublimer par la mémoire. En ce qui concerne la littérature allemande, on pourrait citer ici Im Westen nichts Neues dʼErich Maria Remarque (1928) ; quant à la littérature française, on pourrait renvoyer au roman Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline (1932).

En dehors des représentations littéraires au sens strict – c’est-à-dire, en forme poétique, narrative ou dramatique (il y a des pièces de théâtre importantes, même si souvent peu connues, comme par exemple Seeschlacht de Reinhard Goering, de 1917) –, il nous semble essentiel de considérer l’engagement des intellectuels européens pendant la guerre. On a l’habitude de ramener la naissance de la fonction de l’intellectuel moderne à la prise de position d’Émile Zola au moment de l’éclatement de l’affaire Dreyfus, en 1898 ; Jacques Julliard et Michel Winock ont défini l’intellectuel comme « un homme ou une femme qui applique à l’ordre politique une notoriété acquise ailleurs ». Entre 1914 et 1918, ni la France ni l’Allemagne ne manquaient d’auteurs renommés qui jouaient ce rôle en public, le plus souvent avec une attitude nationaliste et comme fauteurs de guerre ; on pourrait nommer d’un côté Maurice Barrès et Charles Maurras, et de l’autre côté Hugo von Hofmannsthal, Gerhart Hauptmann et Robert Musil. Malgré l’ « union sacrée » au sein des deux pays, qui leur faisait oublier pour un certain temps leurs querelles de politique intérieure, il y avait sur les deux rives du Rhin des pacifistes convaincus, et on peut constater que même chez les patriotes l’enthousiasme belliciste du début de la guerre céda fréquemment sa place au cours du conflit à un sentiment de scepticisme et de lassitude. Dans les pays de langue française, il faut mentionner, après Jean Jaurès (assassiné le 31 juillet 1914), surtout Romain Rolland, qui en septembre 1914 se situa par rapport à la guerre « Au-dessus de la mêlée » (selon le titre de son traité publié à ce moment-là en Suisse), soutenu par les unanimistes autour de Jules Romains, qui militaient également pour l’entente des peuples ; dans les pays de langue allemande, parmi ceux qui doutaient de la justification et du sens de cette guerre étaient Stefan Zweig, Hermann Hesse et Arthur Schnitzler. Une approche fructueuse pour l’analyse du rôle de ces intellectuels pourrait être basée sur l’histoire des mentalités et pourrait utiliser le concept du champ littéraire de Pierre Bourdieu.

Il nous semble que les origines philosophiques de la passion belliciste en Europe au temps de la Première Guerre mondiale méritent une attention particulière ; la pensée vitaliste, représentée par Friedrich Nietzsche et Henri Bergson, pour qui la guerre était un processus de rénovation nécessaire, avait une influence importante. Ceci explique en partie l’attitude de certains expressionnistes allemands (par exemple, du poète August Stramm, mort au combat en 1915), mais aussi celle des futuristes italiens (Marinetti célébra la guerre dans son Manifesto politico comme « sola igiene del mondo »).

Cette guerre signifia pour toute l’Europe non seulement une césure brutale sur le plan du développement des structures sociales – l’historien Wolfgang J. Mommsen parla à ce propos du « début de la fin de l’ère bourgeoise » –, mais bouleversa à travers la naissance de plusieurs mouvements avant-gardistes même l’esthétique de la littérature et des arts. Le dadaïsme, fondé par Tristan Tzara en 1916 au « Cabaret Voltaire » de Zurich, et qui se répandait peu de temps après en France et en Allemagne, fut appelé « un mouvement de protestation né du dégoût des atrocités de la guerre ». André Breton, qui allait devenir dans les années vingt le chef charismatique des surréalistes parisiens, parla également de cette expérience qui l’avait marqué, « de certains jeunes gens dont j’étais, que la guerre de 1914 venait d’arracher à toutes leurs aspirations pour les précipiter dans un cloaque de sang, de sottise et de boue ». Le massacre de la jeunesse européenne fut aperçu par cette nouvelle génération comme une « faillite générale sur le plan de lʼEsprit », comme échec de la civilisation occidentale. La déception causée par « les homélies patriotiques et le bourrage des crânes, les poncifs de la guerre » (Aragon) provoque la radicalité de l’avant-garde, sa négation des toutes les traditions culturelles.

Une question centrale dans la recherche actuelle des études culturelles est celle de la constitution et préservation des identités nationales ; ces dernières ne reposent pas seulement sur la glorification de leurs propres valeurs, mais aussi sur la démarcation vis-à-vis des sociétés étrangères. On peut observer cette interaction entre auto- et hétérostéréotypes dans la propagande politique de la période de la Première Guerre mondiale, et également dans un certain nombre d’oeuvres littéraires de ces années-là. Parmi les écrivains qui ont essayé de surmonter cette confrontation identitaire, on trouve René Schickele, né en 1883 en Alsace d’une mère d’origine française et d’un père d’origine allemande ; dans ses drames (par exemple Hans im Schnakenloch, de 1916) et ses romans (la trilogie Das Erbe am Rhein, publiée après la guerre) il plaide pour la tolérance entre les nations et préconise une conscience européenne. En Italie, cette tension identitaire au temps de la Première Guerre mondiale est particulièrement bien visible chez les irrédentistes de Trieste – parmi eux, des écrivains comme Gianni Stuparich et Scipio Slataper –, qui jusqu’à ce moment-là avaient été forcés à vivre sous la domination de l’Autriche malgré leur sentiment d’appartenance à la culture italienne.

Les identités individuelles et collectives ont en outre besoin de se souvenir de leur passé pour affirmer leur existence permanente, ce qui implique que pour leur analyse on doit penser dans les catégories du paradigme de la mémoire, qui pendant ces dernières années a joué un rôle essentiel dans les études culturelles. (On pourrait citer ici deux chercheurs qui ont exercé une grande influence : Pierre Nora avec ses Lieux de mémoire et Jan Assmann avec Das kulturelle Gedächtnis.) Un nombre important de romans de guerre est basé sur les souvenirs personnels des auteurs, souvent transformés par des éléments fictionnels, afin d’augmenter par la stylisation littéraire l’effet sur le lecteur et la signification morale de cette expérience. Les oeuvres de ce type – un exemple en serait Les croix de bois, de Roland Dorgelès – peuvent être appelées des autofictions, et doivent être distinguées des autobiographies et mémoires au sens stricte du terme (entre autres, La main coupée de Blaise Cendrars).

Un autre champ de recherche que nous voudrions inclure dans ce volume collectif est constitué par l’approche des « gender studies », c’est-à-dire les études de genre, dans ce cas-ci avec un intérêt particulier pour les transformations du rôle social de l’homme et de la femme pendant la Première Guerre mondiale. Dans les allocutions patriotiques de toutes les nations impliquées au conflit on trouve encore l’idéal traditionnel du soldat courageux, dévoué et prêt au sacrifice ; la terminologie et l’imaginaire de l’ « héroïsme » – réservé uniquement au sexe masculin – continuent à marquer le discours officiel. Mais chez les auteurs de nombreux romans contre la guerre, on rencontre une attitude assez différente ; ils montrent qu’il serait grotesque de rester attaché au modèle viril du combattant vertueux dans des batailles dominées par les nouveaux moyens techniques et l’anonymat des tranchées. C’est le cas par exemple d’Henri Barbusse, qui dans Le Feu déplore la perte de la dignité humaine pendant la guerre : « Honte au métier de soldat, qui change les hommes tour à tour en stupides victimes et en ignobles bourreaux. » La participation directe de femmes aux événements de la guerre était possible dans cette période-là presque uniquement dans le rôle d’infirmières ; avec cette fonction curative et maternelle au service des combattants elles apparaissent aussi dans la littérature, par exemple dans le roman Réfugiée et infirmière de guerre de Jack de Bussy (qui s’appela en réalité Jacqueline Liscoät). Outre cela, les femmes devaient être les gardiennes de la sphère domestique, loin des champs de bataille, et servir de correspondantes aux soldats ; dans le roman Le Feu sur la montagne de l’écrivaine suisse Noëlle Roger apparaît une mère française qui remplit son devoir patriotique en prenant soin de la famille de son fils qui combat sur le front de la guerre : « Ce sera ma manière de servir le pays. » Il faudrait examiner dans quelle mesure cette image traditionnelle de la femme, à l’opposé du progrès réel de l’émancipation féminine pendant cette période-là – étant donné que les femmes devaient remplacer les hommes entre 1914 et 1918 dans un grand nombre de métiers et professions qui jusqu’alors leur avaient été interdits –, est brisée dans certains fictions narratives, surtout dans des oeuvres conçues par des écrivaines. (Comme source d’informations historiques sur la situation de la femme pendant ces années-là et sur le cadre politique et social de la Première Guerre mondiale, nous recommandons à nos contributeurs de langue allemande comme ouvrage de référence l’Enzyklopädie Erster Weltkrieg, dirigée par Gerhard Hirschfeld, Gerd Krumeich et Irina Renz.)

Bien que nous souhaitions que la majorité des analyses dans notre livre soit consacrée à des témoignages intellectuels et littéraires, transmis sous forme de textes, nous serions heureux de recevoir aussi des propositions concernant la représentation de ce conflit dans d’autres médias, à savoir dans l’art (nous pensons aux dessins et peintures d’Otto Dix, George Grosz et Max Beckmann, pour citer seulement quelques exemples allemands) ou dans le cinéma (parmi plusieurs long-métrages mémorables, on pourrait mentionner La grande illusion de Jean Renoir, de 1937).

À la fin de ce volume, les éditeurs tireront une conclusion transnationale, dans laquelle ils tenteront de déterminer où l’on peut constater des analogies ou bien des divergences entre les cultures européennes en ce qui concerne les aspects traités.

Nous sollicitons des propositions de futures contributions par courriel à thomas.stauder@phil.uni-augsburg.de ou gisseybert@yahoo.de (volontiers aussi à nous deux) jusqu’au 30 septembre 2011. C’est avec plaisir que nous discuterons avec vous des possibles sujets de vos contributions avant que vous preniez une décision définitive ; n’hésitez donc pas à nous contacter. Les propositions devraient aussi contenir à côté du titre de la contribution et de l’esquisse (nécessairement encore provisoire) du contenu aussi quelques informations sur l’auteur ou l’auteure de l’article (par exemple, ses plus importantes publications). Sur la base de ces renseignements, nous déciderons rapidement si la proposition est acceptée, afin que vous puissiez commencer le plus tôt possible à préparer vos contributions. Il vous restera ensuite encore plus de six mois pour écrire vos textes – avec environ 30.000 à 40.000 signes, ou 15 à 17 pages (dépendant aussi du formatage) –, car nous avons fixé le 1er mai 2012 comme date limite pour la remise des contributions. En tout cas, nous pouvons vous promettre que soit la limitation du nombre des pages soit la date limite seront gérées avec beaucoup de flexibilité et sans attitude bureaucratique. Les articles peuvent être rédigés dans d’autres langues que l’allemand : évidemment en français, mais aussi en anglais, italien ou espagnol, selon la nationalité des auteurs. Nous envisageons actuellement de traduire à la fin toutes les contributions en allemand ; mais ceci dépendra aussi du nombre et de la provenance géographique des articles. (Quoi qu’il en soit, nous nous chargerons nous-mêmes de traduire ou faire traduire vos textes, si nécessaire.) Le volume collectif sera publié au début de l’année 2013 chez un éditeur académique allemand, bien avant l’année du centenaire du commencement des hostilités de la Première Guerre mondiale ; nous serons ainsi déjà présents avec notre livre comme ouvrage de référence pendant les commémorations.

 

 

Les éditeurs de ce livre:

Gislinde Seybert (Université d’Hanovre, Allemagne), Dr. phil., a étudié lettres romanes, anglaises et allemandes (et en addition philosophie), principalement à l’Université de Heidelberg ; en 1976, elle a obtenu un poste comme chargée de cours au département de lettres romanes de l’Université d’Hanovre, où jusqu’à aujourd’hui, elle a organisé plusieurs colloques internationaux et pluridisciplinaires. Ses domaines de recherche sont : l’histoire de la culture et de la littérature européennes du 18ème au 20ème siècle, les relations de genre, textualité et fictionnalité, la créativité littéraire, les écrivaines. Elle a publié les livres suivants : Die unmögliche Emanzipation der Gefühle. Literatursoziologische und tiefenpsychologische Studien zu George Sand und Balzac, Frankfurt/M. 1982 ; Liebe als Fiktion. Studien zu einer Literaturgeschichte der Liebe von Petrarca bis Simone de Beauvoir, Bielefeld 1995 ; avec Gisela Schlientz (dir.), George Sand: Jenseits des Identischen – Au-delà de l’identique, Bielefeld 2000 ; (dir.) Das literarische Paar – Le Couple littéraire. Intertextualität der Geschlechterdiskurse – Intertextualité et discours des sexes, Bielefeld 2003 ; (dir.) Das Liebeskonzil – Le Concil d’amour. Literarische Liebe und metaphorisches Begehren – Amour littéraire et désir métaphorique, Bielefeld 2004 ; (dir.) Geschichte und Zeitlichkeit – Histoire et temporalité. Zum Bicentenaire von George Sand, Bielefeld 2007. En outre, elle a publié un grand nombre d’articles dans des journaux internationaux, sur Casanova, August von Kotzebue, le marquis de Sade, Heinrich Heine, George Sand, Carl Schmitt, Elsa Triolet, Anaïs Nin, Marguerite Yourcenar et Simone de Beauvoir.

 

Thomas Stauder, actuellement professeur invité de philologie romane à Université d’Augsbourg (Allemagne), a étudié lettres modernes à Erlangen, Canterbury et Sienne, et soutenu une thèse de doctorat en littérature comparée en 1992 ; le sujet de sa thèse portait sur le travestissement littéraire (comme forme d’intertextualité, à distinguer de la parodie et du burlesque) en Allemagne, Angleterre, France et Italie. Par la suite, il a été professeur assistant et chargé de cours en lettres romanes aux universités de Kiel et d’Erlangen-Nuremberg. Après son habilitation en 2002 portant sur la poésie engagée en France, Espagne et Italie au XXème siècle, il fut nommé « Privatdozent » en automne 2002. Après cela, il a enseigné comme professeur invité de littérature française, espagnole et italienne aux Universités de Vienne, d’Innsbruck et de Mayence (et aussi, de nouveau, à Erlangen) ; depuis l’automne 2009, il détient un poste à l’Université d’Augsbourg. Ses derniers livres publiés sont: Intellettuali italiani del secondo Novecento (2007, avec Angela Barwig ; Premio Flaiano per l’Italianistica 2008), Negociando identidades, traspasando fronteras. Tendencias en la literatura y el cine mexicanos en torno al nuevo milenio (2008, avec Susanne Igler), Simone de Beauvoir cent ans après sa naissance. Contributions interdisciplinaires de cinq continents (également de 2008) et L’identité féminine dans l’oeuvre d’Elsa Triolet (2010).

 

 

Responsable : Thomas Stauder, Gislinde Seybert

 

Url de référence :
http://www.philhist.uni-augsburg.de/lehrstuehle/romanistik/hispanistik/mitarbeiter/Stauder/index.html

 

Adresse : Prof. (i.V.) Dr. Thomas Stauder, Romanische Literaturwissenschaft, Universität Augsburg, Universitätsstraße 10, D – 86135 Augsburg.

 

 

 

Responsable : Thomas Stauder, Gislinde Seybert

 

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