Louis-Philippe, le roi poire


Louis-Philippe, le roi poire, exposition (gratuite) à la Maison de Balzac (Paris), jusqu’au 27 juin 2010. Musée ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h sauf les jours fériés. 47, rue Raynouard 75016. 01-55-74-41-80 / Fax : 01-45-25-19-22.

Entre 1831 et 1835 les murs de Paris comme les pages de certains journaux se couvrent de poires. Sait-on aujourd’hui que ce fruit inoffensif a été une arme redoutable utilisée par la presse contre le roi Louis-Philippe ?

La Maison de Balzac présente une sélection de gravures de Daumier, Grandville, Traviès etc. issues des journaux d’opposition dans lesquels elles furent publiées.
Couronné par la révolution de Juillet, Louis-Philippe bénéficie de quelques mois de grâce au bout desquels la personne même du roi fait l’objet d’attaques personnelles. Les plus corrosives émanent de deux journaux dirigés par Charles Philipon, ancien caricaturiste devenu patron de presse et opposant virulent au régime ; La Caricature et Le Charivari, lancés en novembre 1830 et décembre 1832. C’est Philipon lui-même qui au cours d’un procès invente la déformation progressive en poire de la tête de Louis-Philippe, dans un dessin demeuré célèbre.
Ce thème est ensuite exploité avec autant de méchanceté que d’intelligence par les caricaturistes travaillant pour la presse républicaine, au premier rang desquels Daumier, Grandville ou Traviès. La qualité des dessins, leur puissance expressive, leur humour, l’esprit mordant des commentaires forgent une image durable de la monarchie de Juillet.
À la drôlerie, ces caricatures associent parfois une violence extrême, et plusieurs dessins sont une incitation directe à l’émeute, à la révolution, voire au meurtre. Jusqu’où une société libérale – car la monarchie de Juillet est de loin l’un des régimes les plus tolérants du XIXe siècle – peut-elle laisser aller la liberté d’expression ? Cette question trouve une réponse après l’attentat de Fieschi en juillet 1835, quand une machine infernale se déclenche lors du passage du roi, provoquant un véritable carnage parmi les spectateurs et l’entourage royal. Des lois sur la presse, votées en septembre, laissent toute liberté pour critiquer l’action du gouvernement mais la personne du roi et le principe même du gouvernement ne peuvent plus être discutés.
L’image du roi poire est donc indissociable d’une réflexion sur la liberté d’expression. Qu’a-t-on le droit de dire, sous quelle forme et à qui ? Rappel d’une page d’histoire de France, cette présentation soulève aussi la question des limites de la liberté d’expression et des formes de censure dans une société libérale. La poire reste-t-elle un fruit de saison ?