Journée d’études à Saint-Just


Identités et carrières caricaturales de quelques « grands » de ce monde: pour une modélisation de la satire visuelle

 

Depuis trois ans maintenant, le Salon de la caricature et du dessin d’humour de St Just Le Martel (France, près de Limoges) accueille une journée d’étude réunissant des spécialistes de la satire visuelle (historiens, historiens de l’art, responsables de musées ou de bibliothèques, collectionneurs, conservateurs…). Cette année l’événement se tiendra le vendredi 3 octobre 2014 de 9H30 à 17H. Entrée libre et gratuite.

 

 

 

Au programme :

 

Pascal Dupuy, Université de Normandie (Rouen) : « Le futur est dans le passé : Napoléon en 1803 : un Empereur en construction »

Très tôt, la caricature anglaise a décelé chez Bonaparte l’attitude d’un tyran. Mais, c’est véritablement en 1803 que tout se dévoile et paradoxalement se conclut, les années qui suivront n’étant que le reflet grossi et exagéré des attaques satiriques développées pendant ces douze mois. Par le nombre de ses feuilles anti-napoléoniennes, plus de deux cents, par l’outrance de leurs attaques, mais aussi par leur clairvoyance, l’année 1803 représente une année charnière qui fonde la légende noire en train de s’établir à cette époque à côté de la légende dorée imposée par le futur Empereur lui-même. C’est la production satirique anglaise de ces douze mois que nous nous proposons d’étudier afin de mettre en évidence une carrière satirique en train de se jouer.

Viviane Rouquier (docteure en études germaniques) : « Les caricatures contre Hitler dans la revue Der Wahre Jacob (et Lachen links) »

La représentation caricaturale de Hitler n’apparaît guère dans la presse satirique illustrée allemande qu’après le putsch de Munich des 8 et 9 novembre 1923. A travers les caricatures des dessinateurs des revues Der Wahre Jacob et Lachen links, nous tenterons d’observer la création de l’identité satirique et l’évolution de la carrière caricaturale du personnage avant son accession au pouvoir, au gré des événements qui l’ont poussé sur le devant de la scène politique ou qui ont fait espérer en son éviction.

 

Laurent Chikhoun (docteur en Etudes anglophones : « Adolf Hitler et Winston Churchill sous le crayon du caricaturiste britannique de presse David Low, ou la représentation de deux leaderships charismatiques différents (1933-1945) »

Le dessinateur de presse britannique David Low est principalement connu pour le combat sans relâche qu’il a mené face au péril hitlérien dès le début des années 1930. Ce face-à-face artistique avec l’ennemi aura non seulement marqué son époque, mais est également à jamais inscrit dans l’histoire politique contemporaine. Point central de cette résistance « à coup de crayon », la façon singulière dont le caricaturiste aura représenté et fait évolué les deux leaders « charismatiques » qu’étaient Adolf Hitler et Winston Churchill.

Éric Lafon (directeur scientifique du musée de l’Histoire vivante à Montreuil) : « Les caricatures de Jules Moch et de Léon Blum dans la presse communiste 1947-1952 »

A travers la consultation de la presse communiste de 1946 à 1951, un corpus de dessins de presse est constitué avec pour sujet les caricatures de Jules Moch et de Léon Blum. Les principaux titres consultés à savoir L’Humanité, France Nouvelle, Regards, la Vie ouvrière (hebdomadaire de la CGT), La défense (journal du Secours populaire) ont permis d’enregistrer plus de 500 dessins de presse réalisés par dix-sept dessinateurs parmi lesquels on compte Mitelberg, Gassier, Donga, et le peintre Boris Taslitky et d’autres moins connus comme Bec, Bouleau, Vincent Carrier, et Jean-Pierre Chabrol. Tantôt dessinés sous les traits du « traître », « du boche », du « milicien », du « politicien corrompu », de « l’agent américain », du « pétainiste », Jules Moch et Léon Blum sont les cibles privilégiés et systématiques du PCF, illustrations comiques ou violentes, voire haineuses de la ligne éditoriale.

 

Guillaume Doizy (auteur d’ouvrages sur la caricature) : « La taille, le nez et l’uniforme de de Gaulle au crible de l’identité et de la carrière caricaturales de quelques « grands » de la vie publique française »

Depuis sa naissance, la caricature ne cesse de caractériser le physique de ses cibles dans une double perspective : permettre l’identification et alimenter la charge. Avec de Gaulle, qui émerge politiquement dans un contexte extraordinaire (1940), le dessin de presse en pleine mutation s’empare de manière inédite de caractères pourtant fréquents chez les hommes de pouvoir dans les décennies précédentes : la taille, le nez et l’uniforme, trois éléments à partir desquels des centaines – sinon des milliers – de dessinateurs en France et dans le monde vont caractériser les différentes étapes qui scandent la vie politique de ce chef d’Etat hors norme. Des caractères qui, comme on le verra, s’imposent selon des rythmes et des modalités très différents, selon des schémas que l’on retrouve ou non dans le criblage caricatural d’autres « grands » de la vie publique en France.

AMINA DJOULDE Christelle (enseignante-assistante au département d’histoire à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Ngaoundéré-Cameroun) : « Fortune et infortunes de « Tonton Mitterrand » dans la production picturale satirique au Cameroun sous l’ère de la démocratisation (1990-1993) »

Comment la caricature camerounaise a-t-elle « domestiqué » la figure de François Mitterrand ? Suite à l’instauration du pluralisme politique au Cameroun (1990) dans un mouvement de remise en cause du corset autoritaire de l’Etat (1990-1993), François Mitterrand, alors président de la France apporte un soutien incontesté au régime de Paul Biya contrairement à l’esprit et à la lettre de son discours de la Baule. Considérée comme une forme d’ingérence « pernicieuse » à la fois par des opposants et par une population excédée, cette intervention constitue une source d’inspiration majeure pour les caricaturistes. Ces derniers s’en nourrissent pour élaborer l’identité et la carrière caricaturale du président de la France. On analysera le caractère dominant du discours satirique cristallisé autour de la métaphore graphique de la figure de l’oncle, qui s’impose pour désigner François Mitterrand, présenté comme le « Tonton » du Cameroun. La publication locale de ces dessins satiriques entraine une prolifération des codes picturaux et linguistiques autour de l’appellation populaire de « Tonton Mitterrand ».

Pierre-Emmanuel Guigo (agrégé d’histoire, Chercheur associé Laboratoire Communication et Politique (CNRS UPR 3255) : « Le Janus de la caricature? La carrière de Michel Rocard dans la caricature de presse et télévisuelle des années 1970 à nos jours »

Décrit comme un personnage truculent et ambitieux dans les années 1970, Michel Rocard se mue, dans les caricatures en austère et grincheux personnage à la fin des années 1980. Le passage dans le Bébête Show du sympathique Rocroa, qui en dépit de son apparence de Corbeau est un bon vivant, au Roro le justicier aigri et agressif en est symptomatique. Les caricatures de Faizant sont aussi caractéristiques puisqu’il se transforme dans les années 1980 en un personnage lugubre et froid, aux ordres de François Mitterrand.Cette métamorphose doit aussi être reliée aux évolutions de sa stratégie de communication, et nous tenterons ainsi de voir comment la caricature tente de décrypter, détourner, subvertir celle-ci.