Conférence de Benoît Quinquis
Tintin au Congo: une « caricature » doublement désancrée
Mercredi 15 juin, 14:00, salle B 001, UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Bretagne Occidentale
Aujourd’hui, Tintin au Congo est à lui seul l’un des arguments préférés des détracteurs d’Hergé : de fait, loin d’annoncer les œuvres majeures du dessinateur telles que Le Lotus bleu ou Tintin au Tibet, cet album, réalisé sur un thème qui fut imposé par le directeur du journal Le XXe siècle et qui n’a jamais enthousiasmé l’auteur, est aisément réductible à la caricature extrêmement grossière qui y est faite de l’Afrique subsaharienne colonisée par l’Europe et de ses indigènes. Mais au début des années 1930, cette représentation ne choquait encore qu’une faible minorité au sein du public européen et n’était pas encore perçue comme une caricature : ce n’est que désancrée de cette période de l’histoire européenne que la représentation s’est avérée caricaturale et est devenue inacceptable. À ce désancrage temporel s’ajoute un désancrage spatial assez étonnant car l’album est sorti du purgatoire où l’avait enfermé la décolonisation grâce à sa republication dans une revue zaïroise : les Congolais d’aujourd’hui préfèrent rire de cette Afrique fantasmée sans rapport avec la réalité de leur pays et de la naïveté de leurs anciens colonisateurs qui prenaient pour argent comptant une caricature aussi énorme ; la plaisanterie était totalement involontaire de la part d’Hergé mais il n’empêche qu’elle s’exerce désormais aux dépens de l’Europe