Antisemitismus in der Karikatur


Regina Schleicher: Antisemistismus in der Karikatur – Zur Bildpublizistik in der französischen Dritten Republik und im deutschen Kaiserreich (1871-1914), Peter Lang Verlag, 2009, 204 Seiten, 36 Euro.

Dans cet ouvrage, qui est le fruit d’un travail de doctorat, Regina Schleicher se penche sur la transcription de l’antisémitisme dans la caricature en proposant une analyse comparative entre l’Allemagne et la France. D’emblée elle annonce vouloir répondre à trois interrogations : Comment se manifeste dans cette œuvre graphique le passage de l’antijudaïsme traditionnel à l’antisémitisme moderne ? Quelles différences peut-on percevoir entre les productions allemandes et françaises ? Quel est le rôle des représentations antisémites dans le contexte politique ?
Regina Schleicher constate tout d’abord que la sécularisation des représentations antijudaïques a débuté dès le début du Second Empire en Allemagne, dès la crise de 1873, et a ainsi donné naissance à un discours antilibéral qui annonce l’antisémitisme moderne. Elle observe que cet antisémitisme recourt progressivement à des représentations et stéréotypes racistes dans les années 80, dans le domaine politique puis social. Pour Regina Schleicher, les stéréotypes antijudaïques demeurent prépondérants en France jusqu’au début des années quatre-vingt, et ce n’est qu’à cette époque que les premières traces du passage d’un stéréotype traditionnel visant à diaboliser l’opposant à un code visuel deviennent manifestes.
Regina Schleicher démontre également que les œuvres graphiques étudiées mettent en évidence le rapport entre antisémitisme raciste et nationalisme. Elle note toutefois que ce lien est plus ancien en Allemagne qu’en France où le phénomène s’avère tout nouveau. Dans ce contexte, elle insiste sur le rôle qu’a joué dans les représentations la construction d’un corps juif (notamment du nez), et sur les discours antithétiques visant à illustrer les différences biologiques entre Chrétiens et Juifs.
Pour finir, elle met l’accent sur le fait que l’antisémitisme graphique ne fut pas l’apanage exclusif de la presse de droite, plus nationaliste. Durant les trois dernières décennies du dix-neuvième siècle, de nombreux stéréotypes antisémites furent utilisés par les dessinateurs de gauche dans leur critique du capitalisme. Elle cite alors la revue socialiste munichoise Der Süddeutsche Postillon tout comme le journal anarchiste français Le Père peinard. Elle constate toutefois que la discussion autour de l’antisémitisme a connu une évolution différente dans les deux pays, l’Allemagne ne connaissant la même fracture sociale et politique que la France au moment de l’Affaire Dreyfus. Elle montre enfin que peu se sont élevés avec efficacité contre le discours antisémite ambiant, beaucoup se contentant de clouer au pilori les protagonistes de l’antisémitisme politique.

Cet ouvrage dense s’avère extrêmement instructif et est donc à recommander chaudement, même si sa structure laisse quelque peu perplexe: après un chapitre introductif, le livre comporte deux parties d’une soixantaine de pages, consacrées respectivement à l’Allemagne, puis la France ; les analyses comparatives sont regroupées dans une maigre conclusion de six pages. On se demande également quel est l’intérêt dans un tel ouvrage d’interrogations telles que celles sur le sujet avec la confrontation de théories structuralistes et post-structuralistes. On regrettera également que le corpus qui sert de référence ne soit jamais défini clairement, qu’aucune étude quantitative ne vienne éclairer l’analyse, étude qui aurait sans doute permis de mieux mesurer l’impact des représentations. L’ouvrage aurait pu enfin comporter quelques illustrations supplémentaires.

JCG