La Caricature… et si c’était sérieux ?


Laurent Bilh, Laurence Danguy, Christian Delporte, Marie-Anne Matard-Bonucci, Pascal Ory, Emmanuel Pierrat, Bertrand Tillier, La Caricature… et si c’était sérieux ? Décryptage de la violence satirique, Paris, Nouveau monde, 2015, 120 p

 

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Les éditions nouveau monde ont eu l’excellente idée de réunir quelques spécialistes de la presse et de l’image satirique pour proposer une réflexion sur la notion de violence satirique. L’ouvrage présenté, conçu dans l’urgence, comporte en dehors de l’introduction de Pascal Ory, neuf petits articles facilement accessibles dont les huit premiers portent respectivement sur l’histoire de la caricature (C. Delporte), la grammaire du dessin de presse (B. Tillier), le dessin de presse et la propagande, l’incitation à la haine (L. Bihl & Marie-Anne Matard-Bonucci), le dessin de presse et les religions (L. Danguy), la caricature face aux censures (L. Bihl). Le dernier texte, quant à lui, essaie de cerner les limites de la caricature (E. Pierrat). A la fin de ce volume ont été repris un article de Christian-Marc Bosséno et de courts extraits d’interviews de Plantu, Pessin et Tignous publiés initialement dans le numéro 10 de décembre 2000 de Sociétés & Représentations.

Cet ouvrage d’excellente facture poursuit un objectif didactique clair et s’adresse à public large désireux de se familiariser avec ce genre qu’est la caricature. Les deux premiers articles de C. Delporte et B. Tillier ont pour objectif de donner quelques repères aux non-spécialistes sur l’évolution du genre caricatural (essentiellement en France) et la typologie de la satire graphique.
Les sept articles suivants s’en tiennent en grande partie au fil conducteur énoncé par Yannick Dehée dans son avant-propos : « tout l’enjeu citoyen actuel est de faire comprendre que le droit de rire des pratiques religieuses, si choquant que cela puisse paraître, ne se confond pas avec le droit d’inciter à la haine raciale ou au négationnisme » (p. 12). Il s’agit donc de définir autant que possible ce que l’on peut entendre par cette notion beaucoup trop souvent utilisée sans discernement de « liberté d’expression ». Les réponses données dans un cadre aussi restreint demeurent obligatoirement fragmentaires, mais le lecteur appréciera les propos sur l’utilisation du dessin de presse à des fins propagandistes, sur les rapports complexes et difficiles entre pouvoir et caricature. Les nombreux rappels historiques (par exemple dans l’article sur le dessin de presse et les religions) permettent de replacer le débat actuel dans un contexte beaucoup plus large.

L’ouvrage reproduit un grand nombre de dessins, dans leur très grande majorité fort connus, qui illustrent les propos des auteurs. Les reproductions sont dans l’ensemble d’excellente qualité, même si bizarrement la qualité de quelques-unes des plus connues (cf. l’illustration de Cranach pour Abbildung des Bapstum de Luther) laisse un peu à désirer.

Le volume est à notre sens très convaincant et est à même de remplir la tâche didactique qu’il s’est fixée. Bien entendu, pareilles réflexions généralisatrices comportent des raccourcis quelque peu contestables, des affirmations bien catégoriques. Pour finir, on regrettera peut-être que la question de l’auto-censure ne soit qu’effleurée, on regrettera davantage que les propos demeurent centrés sur la France et les divers affrontements en France alors même que la diffusion de la caricature est, surtout depuis l’apparition d’Internet, internationale.

JCG