Interview de Chimulus (mars 2009)


Interview réalisée en mars 2009 du dessinateur Chimulus qui a travaillé pour la Tribune notamment mais aussi, depuis l’année 2000, pour divers médias en ligne (Libertysurf, Rue89, Bellaciao, LePost.fr, etc.). Publie également à Siné Hebdo.

Bonjour Chimulus, pouvez –vous nous décrire votre travail de dessinateur de presse aujourd’hui : pour quels supports dessinez-vous ?

Pour l’instant, je ne travaille pratiquement que pour Internet. Je viens de quitter La Tribune. J’ai un nom assez lourd à porter. Pour Wolinski, Cabu et Siné, je ne suis que le fils Faizant, sinon il y a longtemps (avec mon humour) que je dessinerais dans des journaux de gauche. Pour la sortie de Siné Hebdo, j’ai proposé de nombreux dessins, mais ce n’est pas ça qui m’a ouvert les portes du journal. J’ai fait des tentatives au Canard, sans succès, et surtout sans jamais un petit mot en retour…

 

D’où vient ce pseudo, « Chimulus » ?

Mon prénom est Michel…chimel… .chimul…. et finalement….Chimulus.

Le fait de dessiner pour des supports en ligne modifie-t-il, à votre avis, le quotidien du dessinateur ? Dans quelle mesure y a-t-il eu adaptation des dessinateurs ou plutôt des médias eux-mêmes, par rapport à la tradition du dessin papier.

Aujourd’hui dessiner en ligne permet la rapidité. Benoît XVI parle du préservatif, 10 minutes après la nouvelle se trouve accessible sur Internet, 10 minutes plus tard je peux avoir trouvé une idée et 15 minutes après mon dessin peut être accessible aux internautes. Mais finalement, les sites d’informations ne vous demandent pas une telle rapidité, et puis aller trop vite parfois peut jouer des tours.

Dans votre profession, on pourrait regretter après coup d’avoir publié tel ou tel dessin. Avez-vous déjà eu la tentation de modifier ou supprimer un dessin que vous aviez mis en ligne sur votre blog ?

Sur mon blog, je supprime souvent des dessins quand après coup je ne les trouve pas si drôles que ça. Sur les sites d’infos j’envoie un autre dessin ou le même modifié très vite avant qu’ils ne passent le premier.

Comment êtes vous devenu dessinateur ? On imagine que le métier de votre père, Faizant a joué son rôle même si tous les enfants n’adoptent pas le métier de leurs parents !

Le milieu familial y est certainement pour quelque chose dans le choix de ma profession. Tout jeune j’avais déjà de l’humour mais je ne savais pas dessiner. J’ai appris doucement (très doucement) ; maintenant ça va un peu mieux. Il faut dire qu’aujourd’hui je ne me pose plus de questions, je dessine sans crayon ni gomme, avec un peu de tippex, une photocopieuse et des crayons de couleur comme les gosses. Je dessine directement à l’encre donc pas de crayon ni gomme. S’il y a une tache un peu de tippex et hop. Le crayon de couleur me permet d’aller vite, pas besoin d’attendre que l’encre sèche. Je n’aime pas du tout Photoshop je trouve que ça rend le dessin vulgaire.

Est-ce que ça vous a semblé difficile de trouver votre propre style, en ayant « baigné » dans celui de votre père ?

Mon style? quel style? (dessinateur à gros nez peut être) mon dessin n’a pas arrêté de se modifier au cours du temps. Il y a 4 ou 5 ans, mon trait n’était pas le même. A mes débuts j’entendais : « Chimulus il nous fait du Copi » ! Ensuite « du Bretecher » ! Jamais : « il nous fait du Reiser »! mais plutôt « vous nous rappelez Reiser, merci Chimulus » (ce n’est pas pareil du tout et j’en suis flatté). Je ne suis pas un dessinateur humoriste mais un humoriste dessinateur, mes petits talents de dessinateur suffisent pour illustrer mes grands talents d’humoriste. Il faut aussi que je reconnaisse que mon travail ne commence à être vraiment valable que depuis peu de temps.

Vos dessins fleurent bon les idées de gauche, même si vous tapez sévèrement sur le PS avec un goût prononcé pour la mise en scène des éléphants. A quel moment vous êtes vous démarqué, de ce point de vue, des idées de votre père ?

En ce moment je tape un peu sur le PS c’est vrai mais il faut dire qu’il le cherche un peu et puis j’aime bien les éléphants c’est sympathiques rond et agréable à dessiner. Pendant des années je n’ai fait que du dessin d’humour non politique, ou d’actualité générale. Quand j’ai compris que c’est Cabu que mon père aurait aimé avoir comme fils (il admirait beaucoup Cabu) je me suis dit (bêtement) « tiens je vais faire du dessin politique et un peu de gauche pour le séduire ». Peine perdue, alors j’ai été à gauche toute pour l’emmerder.

Quel regard portez-vous sur Charlie et Siné Hebdo. Les deux journaux vous semblent-ils très différents ?

Pour l’instant j’ai quelques contacts sympathiques avec Jiho et Delfeil De Ton. La différence est là à mes yeux.

La presse satirique a vécu son âge d’or jusque pendant l’entre-deux-guerres, croyez-vous qu’Internet représente un renouveau pour le dessin de presse ?

Je ne sais pas trop. Le problème avec les sites d’informations c’est qu’ils prennent des dessins sans payer les dessinateurs. Ils ne sont donc pas très regardants sur la qualité. En tant que journaliste avec carte de presse j’aimerais bien un jour être dessinateur attitré d’un journal en ligne et faire mon dessin d’actu dans l’heure qui suit l’info qui vient de tomber, mais ce n’est pas pour demain.

Comment choisissez-vous le sujet de vos dessins ? En accord avec le média pour lequel vous travaillez ou jouissez vous d’une totale liberté ? Avez-vous le sentiment de vous autocensurer parfois, et si oui, comment ?

Pour Internet, pas d’autocensure, je fais ce que je veux quand je veux et j’envoie à qui je veux. C’est ça la liberté mais bien sûr ça a un prix (on n’est pas payé). Pour la presse papier c’est différent : pour La Tribune, je ne faisais pas n’importe quoi, mais je dessinais toujours à la limite. Je préfère qu’on refuse mon dessin et en refaire un plus soft, plutôt que d’envoyer un dessin fadasse du premier coup.

Plantu, dans son dernier ouvrage « Un boulevard pour Sarko » parle de « druckerisation des esprits », pour évoquer la difficulté des dessinateurs à traiter certains sujets, et surtout la crainte des rédacteurs en chef de passer de la caricature dans leurs journaux, de peur d’effrayer le lectorat, de susciter des réactions trop vives. Qu’en pensez-vous ?

Plantu a raison et c’est de pire en pire.

Pour le dessinateur que vous êtes, Sarkozy est-il plus intéressant comme personnage à caricaturer que Chirac ou avant lui Mitterrand ?

Sarkozy me plait beaucoup à dessiner car il bouge comme un fou, le contraire de Mitterrand. J’espère qu’il restera longtemps, même s’il ne bouge plus… empaillé sur ma cheminée !

Interview réalisée le 27 mars 2009 par Guillaume Doizy.