Philippe Kaenel dir., Les Périodiques illustrés (1890-1940) – Ecrivains, artistes, photographes, Infolio, 2011, 272 p., illustrations couleur et nb.
Ce volume réunit diverses contributions issues d’une journée d’étude organisée fin 2008 à l’Université de Lausanne par l’historien d’art Philippe Kaenel. La manifestation s’intitulait alors « Face à face : écrivains, artistes et photographes à l’œuvre dans les périodiques illustrés (1890-1940) ».
Il s’agissait d’interroger les rapports complexes entre des métiers souvent concurrents, parfois complémentaires, présents dans les périodiques illustrés à une période donnée. Les auteurs devaient réfléchir alors aux parcours des individus, à la définition de leur statut, à leur rôle social et aux sociabilités en jeu dans la presse illustrée (petite ou grande), propagandiste, satirique ou littéraire. Les périodiques eux-mêmes étaient évoqués mais en arrière plan, comme cadre dans lequel dessinateurs, écrivains ou photographes exerçaient leur art.
Comme souvent dans ces journées d’étude, le contenu des contributions reflète plus les préoccupations des chercheurs qu’il ne répond à la problématique déterminée par les organisateurs. Chacun tord un peu le bâton pour évoquer sa marotte, en essayant de ne pas paraître hors sujet… C’est la loi du genre, qui produit une bigarrure parfois étrange, souvent riche pour l’esprit.
La 4e de couverture indique que l’ouvrage jette « un éclairage neuf sur les dessinateurs de Montmartre, les journaux satiriques allemands, le monde des revues symbolistes et décadentes, le rôle des photographes durant la Grande Guerre… ». Le lecteur peuten effet s’intéresser au travail de quelques dessinateurs de Montmartre, au travers notamment d’une algarade feutrée entre Steinlen et l’écrivain Docquois (introduction de Philippe Kaenel), via les relations entre Willette et de son patron Jules Roques pendant la collaboration de l’artiste au Courrier français (Laurent Bihl), et également avec l’étude de deux recueils de chansons illustrés (Luce Abélès). Les « journaux satiriques allemands » sont, quant à eux, présentés au travers… d’une seule revue, Jugend. En étudiant ce périodique pour lequel les archives manquent cruellement, Laurence Danguy tente (assez finement d’ailleurs) de préciser quel type d’artiste y travaille et s’y « construit », d’analyser les hiérarchies entre peintres, satiristes, sculpteurs et photographes. Contrairement à ce qu’indique l’éditeur dans sa présentation, l’auteure ne prétend nullement évoquer les « journaux satiriques allemands », mais bien ce seul journal ! Hélène Védrine explore de son côté un réseau de revues, Evanghélia Stead s’interroge sur Jean Lorrain et ses illustrateurs dans la Revue illustrée. Les deux dernières études portent sur le métier de photographe (Joëlle Beurier montre comment pendant la première Guerre la presse illustrée récupère les clichés des photographes amateurs pour contourner le monopole exercé par l’armée sur la production d’images photographiques) et la représentation de l’acte photographique dans la presse illustrée en 1900 et 1945 (Gianni Haver).
Si chaque contribution apporte son lot de réflexion et d’analyse, le contenu de l’ouvrage reste un peu hétéroclite et très éloigné du programme annoncé par le titre : « Les périodiques illustrés ». L’énoncé de la journée d’étude aurait tout de même mieux reflété la problématique explorée par les auteurs, ce fameux « face à face » entre acteurs des revues, même si certaines contributions négligent totalement cet aspect, sans d’ailleurs obligatoirement porter sur des… périodiques.
GD, le 6 mai 2011