Europa in der Karikatur – Deutsche und britische Darstellungen im 20. Jahrhundert, Priska Jones
Campus Verlag Frankfurt/New York, 2009, 323 Seiten, 37,90 Euro.
(« L’Europe dans la caricature – Représentations allemandes et britanniques au vingtième siècle »)
Kommentar des Verlags:
Priska Jones untersucht Europadarstellungen in deutschen und britischen Karikaturen der 1920er und 1950er sowie der 1980er und 1990er Jahre. Die Karikaturen vermitteln interessane Rückschlüsse darauf, wie Europa jeweils gedacht und bewertet wurde. Im Laufe der Jahrzehnte werden die nationale Unterschiede in der deutschen und britischen Perspektive, aber auch ein generller Wandel des jeweiligen Europabewusstseins und europäischen Selbsverständnisses deutlich.
JCG:
Fruit des recherches entreprises dans le cadre d’une thèse, cet ouvrage dense de 320 pages se propose d’étudier dans la satire graphique britannique et germanique du vingtième siècle, d’une part l’évolution de la prise en compte dans le dessin de l’existence même de l’Europe, d’autre part le développement d’une conscience, d’un sentiment européen, et enfin les différentes formes d’identification européenne.
Vingtième siècle : Priska Jones précise d’emblée qu’elle se réfère à une période qui va de l’immédiat après-guerre aux années quatre-vingt-dix, période dont elle analyse trois phases : de la fin de la Première Guerre mondiale à la prise du pouvoir par les nazis, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la naissance du Communauté Européenne et au refus en 1963 de l’adhésion de la Grande-Bretagne, et finalement du sommet de Fontainebleau en 1984 à la crise de la vache folle en 1996.
Une partie essentielle de cet ouvrage est consacrée dans un premier chapitre de près de 200 pages à l’analyse des diverses représentations de l’Europe dans la caricature : Europe sur le taureau, Europe en femme, en enfant, en homme, Europe sous forme de cartes, de côte, de montagne, de maison, de drapeau, Europe en bateau… L’une des principales surprises de cet inventaire est que la référence fréquente des caricaturistes allemands au mythe d’Europe (Europe sur le taureau) ne trouve aucun écho chez leurs homologues britanniques, qui aiment recourir au motif de la côte européenne, motif quasiment absent de la caricature allemande. Priska Jones constate que bon nombre de représentations de l’Europe présentent cette dernière comme une entité faible, menacée : enfant délaissé, femme tourmentée, bateau qui coule, train qui déraille, maison en ruine, terrain en chantier…
Dans un second (et bref) chapitre de 20 pages, Priska Jones se penche sur le contexte culturel, au sens large du terme, dans lequel s’inscrivent les commentaires sur l’Europe : dans les années cinquante, elle constate que les représentations puisent leur inspiration dans la vie de tous les jours afin de susciter une attention soutenue des lecteurs. Par la suite, et notamment durant la dernière période qu’elle étudie, les caricaturistes ne ressentent plus le besoin de se référer à des scènes quotidiennes pour décrire les questions européennes et recourent alors à des scènes fictives ou surréelles.
Le chapitre suivant (de 20 pages également) se penche sur la convergence relativement importante des sujets abordés dans la caricature des deux pays : dans les années vingt, il est bien entendu surtout question des nombreuses conséquences de la Grande Guerre (notamment du problème épineux des réparations) ; dans les années cinquante, il s’agit essentiellement de la Communauté Européenne, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix des aléas de la politique européenne (budget, environnement, réfugiés, politique agricole, nouvelles adhésions…).
Un passage court, mais fort intéressant, est consacré dans ce chapitre aux influences réciproques : Priska Jones précise que la presse anglaise est totalement hermétique à toute influence, qu’elle ne publie jamais de caricature allemande (ou même plus largement européenne), alors que la presse allemande, notamment (et assez logiquement) durant les années cinquante aime se référer à l’occasion à ce qui était produit en Grande-Bretagne.
Le dernier chapitre apporte des réponses aux interrogations initiales : l’auteure constate que dans les années vingt, même si l’Europe est bien présente dans la caricature, il ne peut être question en Grande-Bretagne et même en grande partie en Allemagne, de conscience européenne, le dénominateur commun des deux discours étant leur hostilité à la France, naturellement plus marquée chez les Britanniques à la fin des années cinquante et au début des années soixante, alors que l’on voit poindre un sentiment européen dans la presse allemande. Durant les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les caricaturistes des deux pays mettent l’accent sur les difficultés de l’Europe.
Ce livre, qui comporte 123 illustrations (presque toujours de petit format), dont certaines en couleur, se révèle être une étude fort bien documentée, qui permet de retracer quelques aspects de l’histoire des représentations de l’Europe dans deux grands pays européens. La lecture de cet ouvrage s’avère d’autant plus agréable que l’auteure s’exprime dans une langue simple, dénuée de tout jargon scientifique. Bref, un livre à recommander.
Qu’il nous soit permis néanmoins de formuler quelques regrets :
– Priska Jones écarte d’emblée l’époque du national-socialisme, elle écarte également la caricature est-allemande : ces choix sont contestables.
– Il en est de même du choix du corpus, notamment pour l’Allemagne : pour les années vingt, Priska Jones se réfère presque exclusivement aux dessins publiés dans Simplicissimus, Kladderadatsch et Der Wahre Jacob (Lachen links), laissant de côté un pan important de la satire graphique de l’époque (on pense bien entendu à l’émergence essentielle de la caricature d’extrême-gauche). Pour les deux dernières périodes, les revues satiriques ne font plus partie du corpus, Priska Jones préfère se concentrer sur le fonds du « Pressearchiv des Deutschen Bundestags » : A aucun moment, elle ne justifie ce choix, surprenant, particulièrement pour la seconde période.
– Bizarrement, ce livre ne comporte aucune bibliographie, alors même que Priska Jones mentionne bon nombre d’ouvrages dans ses notes.
En dépit de ces quelques remarques critiques, rappelons une nouvelle fois qu’il s’agit pour nous d’un apport important à l’étude des représentations de l’Europe